Vivre son art avec humilité
Les émotions fortes, la joie, la peine ou la passion sont des événements quotidiens, Anthea Pichanick les accueille avec générosité, sans retenue ou fausse pudeur. Bien audacieux pourtant celui qui tenterait de placer une étiquette sur la personnalité de la jeune contralto : aucune typologie ne serait assez fine pour lui permettre de rejoindre une case, si ce n’est celle qui réunit les belles et les bonnes choses, ainsi que la simplicité dans ce qu’elle a de plus noble. Une seule ambition l’anime : celle de vivre son art avec humilité, conviction et rigueur.
Cette rigueur, Anthea Pichanick la cultive depuis son tendre âge alors qu’elle se lie au violon avec fidélité dans les murs du conservatoire d’Aix-en-Provence : une formation d’instrumentiste qui la porte naturellement vers le chant, à Genève et au CNSM de Lyon.
« J’étais très violoniste dans l’âme, je ne savais pas exactement comment fonctionnait la voix, mais je savais que la mienne était grave et proche de ma tessiture parlée. »
Au cœur du paysage musical baroque
Rapidement, les réussites aux concours spécialisés dans le répertoire baroque, à Froville en 2014 et Innsbruck en 2015, consacrent ce début de parcours prometteur, tandis qu’une collaboration suivie avec le festival de Beaune dès 2015 la place au cœur du paysage musical baroque.
En 2017, l’opéra studio de Lyon l’ouvre à de nouveaux répertoires : des lieder de Mahler, ou encore Elektra de Strauss. Le Messie de Haendel avec Le Concert spirituel et Hervé Niquet, puis de nombreuses collaborations avec Les Accents et Thibault Noally – dernièrement dans un disque de motets napolitains (La Musica) –, mais également avec Les Musiciens du Louvre ou encore l’ensemble Matheus enrichissent nombre de belles productions de ce timbre rare et profond.
Culture foisonnante
Dans la chaleur du grain vocal d’Anthea Pichanick se découvrent une rondeur et un velouté grave, qui jamais n’altèrent finesse ou agilité, toutes deux révélées par une diction aiguisée. La richesse de cet univers sonore fait écho à la multiplicité des inspirations qui nourrissent la chanteuse. D’une mère indienne et d’un père d’Afrique du Sud d’ascendance polonaise, Anthea Pichanick a forgé sa sensibilité au contact d’une culture foisonnante. La Callas et Pavarotti n’ont pas écarté Crosby, Stills & Nash ou Bob Dylan ou Nina Simone. Très sensible à la langue de Shakespeare qui a bercé le foyer familial, elle se laisse toucher par les textes, les histoires et le rythme des mots, quelle qu’en soit leur forme. Dans son approche musicale apparaît en filigrane un regard dans la direction du jazz, pour ce qu’il porte de lâcher-prise et de liberté :
« C’est un message que j’apprécie, et qui nourrit mon travail au quotidien et mon approche à la musique classique. »
Intensité dramatique
Comique ou dramatique ? Voilà deux faces qui se partagent à égalité la palette d’Anthea Pichanick ; sa puissance comique naturelle s’équilibre d’une grande intensité dramatique sur scène, et le parquet invoque toute la fougue et la passion que la chanteuse abrite en elle. D’une maturation longue, son instrument l’appelle à évoluer vers une vocalité lyrique et bel canto, déjà explorée dans l’Italienne à Alger où elle incarnait en 2018 une splendide Zulma… en attendant impatiemment Isabella ! Dans le baroque également, Cornelia dans Jules César ou Pénélope dans le Retour d’Ulysse habitent les perspectives qui se dessinent dans la personnalité artistique d’Anthea Pichanick, également tournée vers l’intimité du lied.
Et sur le sentier immédiat s’annonce un « Embaroquement immédiat », récital en mars à Montpellier avec le théorbiste Étienne Galletier autour de compositeurs représentatifs de l’Europe foisonnante du XVIIe siècle au carrefour de l’Italie, l’Angleterre, la France et l’Espagne. S’ensuivra un gala Haendel au Théâtre des Champs-Élysées où elle partagera la scène avec les chanteuses Patrizia Ciofi et Lea Desandre en avril, avant de retrouver le Concert spirituel et Hervé Niquet dans une production de Theodora qui la présentera en Irène à la Chapelle Royale de Versailles.
En duo avec Philippe Jaroussky
Extrait de la captation réalisée par Colin Laurent, produite par Prismedia, enregistrée en septembre 2020 au Théâtre Graslin de Nantes.
Emiliano Gonzalez Toro, direction musicale
Emöke Barath, soprano
Anthea Pichanick, contralto
Philippe Jaroussky, contre-ténor